Le secteur résidentiel dans la transition écologique

Dans le cadre de l’Accord de Paris sur le climat, la France a pris l’engagement audacieux de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre : atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.

Le secteur résidentiel, souvent éloigné des groupes industriels, n’apparaît pas de manière évidente comme un des secteurs les plus consommateurs d’énergie. Pourtant, il représente 32% des 1640 TWh consommés annuellementet dégage près de 60 millions de tonnes équivalent carbone dans l’atmosphère contribuant à 16% du total des émissions nationales en 2015. Ces deux indicateurs indiquent que le secteur résidentiel est un levier d’action important de la transition écologique. Le chauffage en particulier est un des piliers de ce changement ; il constitue à lui seul plus de 68% de la consommation énergétique du secteur.

Loi Energie-Climat

La Loi Energie-Climat fixe le cadre et les objectifs de cette transition, impactant toute la chaîne de valeur de l’énergie. L’enjeu majeur consiste à rénover les “passoires thermiques”, i.e. les habitats à faible efficacité énergétique. La Stratégie Nationale Bas-Carbone(SNBC), adoptée pour la première fois en 2015 et actualisée en 2018-2019, et la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE) sont les feuilles de route de la France pour conduire la politique d’atténuation du changement climatique, en s’appuyant sur un scénario de référence. Ce scénario préconise plusieurs politiques afin de décarboner le secteur du bâtiment :

  • Orienter le secteur vers un usage d’énergies 100% décarbonées en 2050 à travers une réglementation fixant des obligations.
  • Inciter fortement la rénovation des logements et des bâtiments tertiaires avec pour objectif final d’éliminer la consommation de charbon et de fioul d’ici 2028.
  • Accroître les niveaux de performance énergétiques et carbone des bâtiments neufs.
  • Viser une meilleure efficacité énergétique des équipements et une sobriété d’usage.
  • Limiter la consommation des ressources naturelles afin d’éviter l’indisponibilité des ressources. Par exemple, la consommation du biogaz en France sera limitée à un maximum de 30 TWh, le maximum productible par le pays.

Parc résidentiel neuf ou rénovation des bâtiments existant ?

Compte tenu de ces mesures, on pourrait ne s’intéresser en première approche qu’aux émissions des constructions futures. En faisant l’hypothèse de 250.000 nouveaux logements neufs créés par an (45% de maisons individuelles et 55% de logements collectifs), soit la tendance actuelle, il apparaît toutefois que les objectifs fixés seront difficilement atteignables : une modélisation prenant en compte les répartitions énergétiques moyennes prévues dans les constructions futures, montre par exemple que les consommations de gaz du parc neuf en 2050 atteindront 10 TWh, représentant déjà le tiers de l’objectif de consommation de gaz de l’entièreté du parc résidentiel national fixé par la SNBC.

Les objectifs de de la SNBC ne pourront donc être atteints qu’en agissant à la fois sur les réglementations des consommations énergétiques et émissions de CO2 des constructions neuves et sur la rénovation de l’ensemble du parc résidentiel national. Intéressons-nous alors au parc existant et aux gains d’une rénovation dite « lourde », proposée par le scénario SNBC, de 600.000 rénovations par an pour 60% d’économies d’énergie. Avec ces hypothèses, une modélisation montre que 60% du parc résidentiel actuel sera rénové, pour une réduction de 37% des consommations.

La nécessité de transférer les usages vers des énergies décarbonées

Cette amélioration ne sera toutefois pas suffisante : une répartition énergétique proche de celle existante amènerait une consommation globale du parc actuel de plus de 80 TWh. Compte tenu de la consommation prévue du parc neuf, les objectifs en matière de consommation de gaz seraient largement dépassés. Sans oublier que la tendance actuelle est plus proche des 300.000 rénovations par an, ce qui alourdit davantage le bilan de la consommation à l’horizon 2050. 

L’amélioration globale des efficacités énergétiques des bâtiments sans transfert d’usage au niveau du parc national n’est pas compatible avec les prévisions de disponibilité des ressources. La plupart des chaudières résidentielles existantes utilisent les ressources naturelles comme le gaz, le fioul et le GPL, qui émettent plus de CO2 que les radiateurs et les pompes à chaleur utilisant l’électricité. Mais le transfert d’usage envisagé dans le scénario SNBC ne permet de limiter la consommation de gaz du secteur résidentiel à 30 TWh. Le parc existant rénové, compte d’après une modélisation pour une consommation à hauteur de 31 TWh de gaz, montant à ajouter à la consommation de gaz des nouveaux bâtiments, dépassant alors toujours les limites fixées par la SNBC. 

La vitesse de transfert d’usage aux pompes à chaleur et aux radiateurs pour les résidences doit par conséquent impérativement être accélérée pour atteindre l’objectif d’utilisation des ressources naturelles. Mais le transfert d’usage du chauffage présente des défis. Un des problèmes est l’écart parfois important entre le prix d’électricité – de 0,0815€/kWh à 0,1186 €/kWh HT (EDF) – et le prix des ressources naturelles carbonées – à hauteur de 0,0745 €/kWh TTC pour le gaz (Engie).  La transition est alors rendue plus difficile par cette hausse notoire des prix de l’énergie que les ménages devront assumer. Elle est pourtant indispensable car le suivi de la trajectoire SNBC et l’atteinte des objectifs de 2050 nécessite la combinaison des efforts de construction et de rénovation avec le transfert d’usage du mix énergétique du secteur résidentiel.

Conclusion

La transition d’un parc résidentiel actuellement émetteur de 16% des émissions nationales de gaz à effet de serre vers un parc neutre en émission représente un défi colossal et des choix complexes, notamment concernant la rénovation des bâtiments qui doit être rendue obligatoire si l’on veut espérer des résultats. Des règlementations pour les nouveaux bâtiments, une accélération des rénovations du parc actuel ainsi qu’un transfert d’usage vers des énergies de chauffage moins carbonées sont des leviers importants de cette transition. 

Cette transition crée, outre les difficultés techniquesdes questions sociales : qui va assumer le coût de cette rénovation du secteur résidentiel et la transition vers des énergies moins carbonées ?

Sources :

  1. http://www.donnees.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/lesessentiels/essentiels/menages-energie.html
  2. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Synthèse%20provisoire%20des%20hypothèses%20et%20résultats%20pour%20les%20exercices%202018-2019.pdf
  3. https://particulier.edr.fr/offres_edf/contrat
  4. https://www.kelwatt.fr/enquete/prix-kilowattheure-gaz

Pour aller plus loin :

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