Un exemple d’indicateur alternatif : l’empreinte carbone pour piloter la réduction des émissions de gaz à effet de serre

L’empreinte carbone est un indicateur destiné à résumer l’ensemble des émissions de gaz à effet de serre induite par la demande finale intérieure d’un pays1. Cet indicateur macroéconomique se distingue ainsi de l’inventaire national des gaz à effet de serre, qui lui est un indicateur mesurant les gaz à effet de serre émis par les différents secteurs d’activité d’un pays2.

L’empreinte carbone de la France

L’unité de cet indicateur est la tonne équivalent CO: bien que cet indicateur prenne en compte deux autres gaz à effet de serre, le CH4 et le N2O, ces autres gaz sont ramenés en équivalent COen comparant leurs pouvoirs de réchauffement global respectifs. Ainsi, en 2014, l’empreinte carbone d’un français valait 10,8 tonnes équivalent CO2, tandis que l’inventaire national était de 6,6 tonnes équivalent CO2 par habitant1. Cette différence s’explique par le fait que l’empreinte carbone prend en compte des émissions de gaz à effet de serre ayant lieu en dehors des frontières de la France.

CO2, CH4 et N2O : Comparaison de l’empreinte carbone et de l’inventaire national en 2014 (Source : L’environnement en France. (2019, 29 mai) L’empreinte carbone de la France. SDES)

Cet indicateur fait partie des indicateurs préconisés par la loi du 13 avril 2015 dite “Loi Sas” qui promeut l’utilisation d’indicateurs alternatifs au PIB. Il a vocation à permettre de mettre en œuvre les objectifs de développement durable de la France. Cet indicateur n’a pas vocation à répondre aux objectifs fixés par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) : l’indicateur visé par la CCNUCC est l’inventaire national3. Ce choix d’indicateur a été critiqué dans la littérature scientifique4,5 pour plusieurs raisons, notamment car l’inventaire national ne prend pas en compte les émissions importées.

Cet indicateur est calculé par un service rattaché au Commissariat général au développement durable (CGDD), au sein du ministère de la Transition écologique, le SDES : Service des Données et Études Statistiques. Le SDES travaille néanmoins en collaboration avec l’Insee, qui assure la coordination méthodologique avec les autres services statistiques ministériels6. Néanmoins, l’empreinte carbone peut être calculée par d’autres organismes tels que l’OCDE ou Eurostat, l’organe statistique européen, avec potentiellement des résultats différents, à cause de différences de sources, de périmètre ou de raffinement des données7.

Le SDES met en cohérence des données venues de différents organismes, aussi bien internationaux tels qu’Eurostat, l’AIE et la FAO, que nationaux avec l’Insee et le CITEPA. Le CITEPA (Centre technique de référence en matière de pollution atmosphérique et de changement climatique) est d’ailleurs une association loi 1901 qui joue le rôle d’opérateur d’État pour la collecte des données d’émissions. Néanmoins, l’empreinte carbone est un indicateur qui est calculé avec plus de retard que le PIB : il faut au moins quatre ans pour que les données permettant de le calculer avec précision soient diffusées – notamment par Eurostat – et que le SDES puisse faire ses calculs. Les années plus récentes sont basées sur des estimations8.

On peut mettre en relation l’empreinte carbone, un indicateur reposant sur un calcul input-output à l’échelle du pays, avec le Bilan Carbone, un indicateur microéconomique visant à comptabiliser les émissions d’une entité (individu, entreprise, collectivité) et basé sur un inventaire exhaustif de ses activités.

Le Bilan Carbone®

Le 12 juillet 2010, le gouvernement français promulgue la loi Grenelle II9. Cette dernière porte sur un engagement national pour l’environnement et dispose que certaines structures devront réaliser un calcul de leur Bilan des émissions de gaz à effet de serre. L’approche utilisée en France est celle du Bilan Carbone®10, promue par l’Association Bilan Carbone, et qui utilise les facteurs d’émissions de la Base Carbone de l’ADEME.

Ce bilan a pour but de donner plus de visibilité sur l’empreinte carbone d’activités humaines à l’échelle d’une organisation telle qu’une entreprise ou une collectivité. Pour mettre en place ce bilan, il est donc important de pouvoir évaluer de la manière la plus exhaustive possible toutes les émissions de gaz à effet de serre, ceci restant une tâche compliquée et qui se fait donc selon une méthodologie précise.

Ces émissions sont divisées, pour une entreprise donnée, en 3 catégories définies par la norme internationale ISO 1406911:

  • les émissions directes (« scope 1 ») (installations, équipements, véhicules…)
  • les émissions indirectes liées à l’énergie, en particulier liées à la production d’électricité et de chaleur (« scope 2 »)
  • les autres émissions indirectes (« scope 3 ») (Déchets, voyages, immobilisations…)
Figure 2 : Représentation des différents “scopes” de considération des émissions (Source : Vital Metrics (10 février 2017, à l’adresse https://youtu.be/XgWyU65pvVA) cité par Alex Cronin, Green Element, (consulté le 14 novembre 2017 à l’adresse https://www.greenelement.co.uk/blog/carbon-footprint-scope-1-2-3/)

La démarche de la réalisation de ce Bilan Carbone® n’est cependant pas obligatoire pour toutes les entreprises. De manière générale, une entreprise de moins de 500 employés n’aura pas à le réaliser. Cet indicateur a un but principal de sensibilisation et de visibilité pour les entreprises les plus importantes.

Et à l’international ?

L’empreinte carbone et le Bilan Carbone® sont deux indicateurs utilisés en France. Cependant, à l’échelle internationale, les modalités de calcul ne sont pas encore normées ou standardisées1.

Concernant les alternatives à la méthode Bilan Carbone®, on peut notamment citer celle de l’organisation Greenhouse Gas Protocol, initiative issue du World Resources Institute (WRI) et du World Business Council for Sustainable Development (WBCSD) qui vise à fournir un cadre global et complet de mesure des émissions de gaz à effet de serre. Un certain nombre d’entreprises se basent sur leurs recommandations et publient leurs résultats sur la plateforme du Carbon Disclosure Project, sans nécessairement suivre de méthode imposée cependant12.

Comme indiqué précédemment, l’OCDE13 et l’institut Eurostat de l’Union Européenne14 calculent également l’empreinte carbone de nombreux pays. 

Ce ne sont cependant pas ces indicateurs, basés sur la consommation, mais principalement les inventaires nationaux, indicateurs basés sur la production, qui sont utilisés dans les objectifs nationaux et internationaux (Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Union Européenne15).

Des barrières existent cependant à l’utilisation d’indicateurs basés sur la consommation tels que l’empreinte carbone, principalement en raison de la complexité du calcul et de plus grandes incertitudes.

Sources :

  1. République Française, Rapport sur l’état de l’environnement (2020). « L’empreinte carbone de la France. » https://ree.developpement-durable.gouv.fr/themes/defis-environnementaux/changement-climatique/empreinte-carbone/article/l-empreinte-carbone-de-la-france. Consulté le 14 novembre 2020.
  2. Ministère de la transition écologique (2017). « Inventaire d’émissions de gaz à effet de serre ». https://www.ecologie.gouv.fr/inventaire-demissions-gaz-effet-serre.
  3. INSEE (2020). « Indicateurs de richesse nationale ». https://www.insee.fr/fr/statistiques/3281683?sommaire=3281778. Consulté le 14 novembre 2020.
  4. Aichele, R. et Felbermayr, G. (2012). Kyoto and the carbon footprints of nations. Journal of Environmental Economics and Management.
  5. Peters, G. (2008). From production-based to consomption-based national emission inventories. Ecological Economics.
  6. Ministère de la transition écologique, Service des données et études statistiques (SDES). « Qui  sommes-nous ? ». https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/qui-sommes-nous. Consulté le 14 novembre 2020.
  7. Commissariat général au développement durable, Service de la donnée et des études statistiques (2018). « Document de travail n°38 – L’empreinte carbone ». https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2019-01/document-travail-n%2038-empreinte%20carbone-avril-2018.pdf.
  8. Commissariat général au développement durable, Service de la donnée et des études statistiques (2020). « Méthodologie de calcul de l’empreinte carbone de la demande finale intérieure française ». ttps://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/sites/default/files/2020-01/empreinte-carbone-methodologie-012020.pdf.
  9. Légifrance (2019). « Loi n°2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement (1) ». https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000022470434/2020-11-10/. Consulté le 14 novembre 2020.
  10. Association Bilan Carbone. https://www.associationbilancarbone.fr/. Consulté le 14 nombre 2020.
  11. ISO (2013). « ISO/TR 14069:2013 ». https://www.iso.org/fr/standard/43280.html. Consulté le 14 novembre 2020.
  12. Association Bilan Carbone (2018). « Panorama des principaux outils à destination des organisations pour la transition bas carbone ». https://www.associationbilancarbone.fr/wp-content/uploads/2018/02/panorama-36p-web-final.pdf.
  13. OCDE (2019). « Carbon dioxide emissions embodied in international trade ». https://stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=IO_GHG_2019. Consulté le 14 novembre 2020.
  14. Eurostat (2020). « Émissions de gaz à effet de serre par secteur source (source : AEE) » http://appsso.eurostat.ec.europa.eu/nui/show.do?dataset=env_air_gge&lang=fr. Consulté le 14 novembre 2020.
  15. Commission Européenne. « Emissions monitoring & reporting  – Policy ». https://ec.europa.eu/clima/policies/strategies/progress/monitoring_en. Consulté le 14 novembre 2020.

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