Le Produit Intérieur Brut : définition, usages et limites

Le Produit Intérieur Brut (PIB) est une mesure censée représenter la création de valeur économique ou “richesse” au sein d’une économie. Il a été développé dans les années 1930 et devient un indicateur majeur à partir de 1944 (marqué par les accords de Bretton Woods). Après des évolutions dans les années 1950 et 1960, il devient un indicateur important pour le monde entier après 1990.

Acteurs et méthodologie de production du PIB

Le PIB est un indicateur d’inspiration et de forme comptable, mathématiquement cohérent et exhaustif sur son domaine limité. Il s’agit d’une évaluation monétaire de la richesse, ce qui évacue d’autres définitions de la richesse. Il ne permet par exemple pas de prendre en compte une évaluation de la qualité des relations humaines. Par ailleurs, la prise en compte des richesses environnementales et naturelles est principalement limitée à leur extraction et exploitation. Enfin, il ne dit rien des questions de répartition de la richesse.

La relation directe entre différentes formes de capital (économique, naturel, social, humain …) et le bien-être général des populations est un sujet d’étude actif en économie et forme la base des justifications de l’approche comptable. Le PIB et ses méthodes d’élaboration bénéficie de tout l’écosystème comptable et en particulier des méthodes de vérification et recoupement.

Le PIB est un indicateur d’intérêt stratégique international. Son élaboration est supervisée par des agences statistiques nationales sûres et fiables. Elles sont vérifiées et contrôlées par d’autres institutions. Il s’agit par exemple de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en France, ou du Bureau of Economic Analysis aux États-Unis.

On compte trois méthodologies de calcul du PIB, supposément équivalentes :

  • l’approche production : PIB = ∑ valeur ajoutée = ∑ (production – consommations intermédiaires). Dans cette formule, le signe ∑ signifie qu’on somme les valeurs ajoutées de toutes les entreprises qui se trouvent dans le pays dont on calcule le PIB.
  • l’approche revenus : PIB = ∑ rémunérations des salariés + impôts – subventions + EBE + ∑ revenu mixte. Dans cette formule, l’EBE est l’Excédent Brut d’Exploitation, c’est-à-dire ce qu’il reste à l’entreprise une fois les salaires et les impôts versés. Les revenus mixtes sont les bénéfices des « entreprises individuelles », c’est-à-dire les individus qui travaillent pour leur compte.
  • l’approche demande : PIB = ∑ consommations finales + ∑ investissements+ ∑ (exportations – importations). Le terme technique pour l’investissement est « FBCF », pour « Formation Brute de Capital Fixe ».

Cet indicateur est robuste à de faibles erreurs comptables et est vérifiable par confrontation des différentes méthodes. L’INSEE calcule deux valeurs : le PIB nominal, ou PIB en valeur et le PIB réel, ou PIB en volume. Celui qui fait référence est le PIB réel. Il est corrigé de l’inflation, ce qui permet de le comparer avec le PIB des années précédentes, contrairement au PIB nominal. La comparaison du PIB réel d’une année donnée et de l’année qui la précède permet de parler de l’évolution du PIB, et éventuellement de son augmentation. C’est ce qu’on appelle généralement la « croissance économique ».

Utilisations et importance du PIB

Le PIB est l’un des indicateurs le plus suivis par les économistes, investisseurs et fonctionnaires de l’administration publique. Il existe une forte relation entre le PIB et les flux monétaires au sein de l’économie, ainsi qu’entre le PIB et d’autres indicateurs tels que les revenus par habitant ou le taux de chômage. Plus concrètement, on peut citer les applications suivantes :

  • L’évaluation de la taille et « performance » d’une économie, permettant une comparaison entre les différents pays du globe. Par exemple, les acteurs multilatéraux de crédit, tel que la Banque Mondiale, classent les pays en fonction des indicateurs dérivés du PIB, et définissent en conséquence les instruments financiers pertinents pour chaque nation en besoin d’aide financière.
  • La quantification de l’impact d’un éventail de politiques publiques très ample (entre politiques fiscales et monétaires et plans de dépenses) ou bien de l’impact des crises. Le PIB a alors une fonction de thermomètre de l’économie, qui peut enclencher l’action des Banques Centrales ou l’élaboration et l’implémentation des politiques publiques.
  • L’analyse de la grandeur des déficits et des dettes publics des États. Les pays qui font face à des difficultés de solvabilité et font appel au Fonds Monétaire International (FMI) sont aidés sous la condition de monitorer les mesures de redressement imposées à partir de l’impact sur le PIB.
  • Dans la Zone Euro, le PIB a également une importance capitale pour les pays membres. Le Pacte de Stabilité et de Croissance adopté en 1997, qui a pour objectif de coordonner les politiques budgétaires, repose sur des indicateurs dont les deux principaux sont un déficit public qui doit être contenu dans la limite des 3 % du PIB et une dette publique ne devant pas dépasser 60 % du PIB. La non-conformité entraîne des avertissements et/ou des sanctions.

Difficultés liées à la production du PIB et limites à son utilisation

Les conventions de mesure et les règles sur lesquelles le calcul du PIB repose varient dans le temps. Ces conventions peuvent être modifiées pour des raisons politiques ou parce que des éléments comptables auparavant difficiles à mesurer deviennent accessibles. Par exemple, à partir de l’année 1976, la France intègre l’activité de l’État dans le calcul de son PIB. L’évolution des conventions de mesure peut limiter la pertinence d’un suivi du PIB sur de très longues périodes.

Les comptabilités nationales et les éléments comptables intégrés au calcul du PIB varient également d’un pays à l’autre (y compris, par exemple, au sein de l’espace économique européen). Cela peut limiter la pertinence d’une comparaison entre deux PIB nationaux. Cette différence dans la méthode de calcul peut être liée à l’opacité de certains secteurs de l’activité économique : s’il est bien possible d’estimer la “valeur ajoutée” associée aux secteurs cannabis et prostitution dans les pays où ces activités sont légales et réglementées, il est beaucoup plus délicat de le faire en France.

On observe cependant un effort d’harmonisation international depuis le premier Système de Comptabilité Nationale promu par l’ONU et l’OCDE en 1953. L’avancée majeure dans le domaine est le Système Comptabilité Nationale de 1993. Il rassemble l’ONU, l’OCDE, la Banque Mondiale, le FMI, l’UE et les instituts statistiques nationaux. Il est suivi de près par le Système Européen des Comptes de 1995. Au niveau européen, l’intégration communautaire tend à renforcer l’homogénéité des méthodes de chiffrage, avec un contrôle accru d’Eurostat auprès des instituts statistiques nationaux. Il surveille la fabrique des comptes nationaux, et particulièrement la délimitation des administrations publiques et de leur déficit.

Par ailleurs, le PIB ignore complètement le rôle des acteurs économiques dans l’épuisement des ressources naturelles nationales et la dégradation de certains indicateurs environnementaux. Ces indicateurs peuvent être par exemple la qualité de l’air, la qualité des sols agricoles ou la qualité de l’eau. Il serait pourtant pertinent de considérer ces éléments comme faisant partie de la “richesse” d’un pays. Cette limite invite à la construction d’autres indicateurs.

Enfin, l’indépendance des institutions responsables de la construction du PIB est essentielle. Il ne doit pas être possible pour un gouvernement de s’attribuer un chiffre de croissance favorable par la seule modification des règles comptables qui régissent la construction du PIB.

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