Développer un matériau hydrophobe par biomimétisme

La démarche biomimétique consiste à identifier le cahier des charges des contraintes que l’on souhaite imposer à notre solution, à explorer le champ des différentes méthodes biologiques et structurelles à notre disposition dans la nature, puis enfin à mettre l’ensemble en adéquation. Cette méthode permet de tirer partie du potentiel d’innovation de milliards d’années d’évolution.

Une demande grandissante de surfaces hydrophobes

La problématique de l’hydrophobie est omniprésente dans le monde actuel. Ces surfaces permettent de protéger des fonctions sensibles comme l’électronique, mais peuvent également participer au nettoyage en évacuant l’eau et les déchets en même temps. Des surfaces hydrophobes se retrouvent donc dans de nombreux objets du quotidien, comme les pare-brise automobiles, les cirés de pluie ou les coques de téléphone portables. 

Nous avons cherché à imaginer une nouvelle solution de coque pour téléphone portable qui pourrait rendre ce dernier imperméable, en s’inspirant de solutions proposées par la nature. Un tel produit se doit de répondre à un certain nombre d’exigences, en plus de son imperméabilité :

  • Légèreté : La coque ne doit pas trop alourdir le téléphone
  • Formabilité : Le produit doit pouvoir être mis en forme et épouser la forme du téléphone
  • Contact utilisateur : La coque sera en contact direct avec les mains de l’utilisateur, il faut donc qu’elle maintienne une bonne préhension du téléphone, et qu’elle n’occasionne pas de gêne cutanée (irritations par ex.)
  • Durabilité : Une solution résiliente se doit de durer dans le temps, si possible dans son état original. On parle ici à minima de la durée de vie du téléphone
Une goutte d’eau à la surface d’une feuille de lotus : Ici, l’angle est supérieur à 150°

Le monde du vivant propose de multiples applications hydrophobes, toutes se basant sur le même principe. Les molécules d’eau sont regroupées sous forme de goutte sous l’effet de la tension de surface. Ces gouttes ont une forme sphéroïdale, et forment, à la limite de la zone de contact, un angle avec la surface.  Lorsque cet angle est compris entre 90° et 150°, la surface est dite hydrophile; les gouttes vont rester à son contact. Au-delà de 150° d’angle, la surface est dite superhydrophobe [1]. Les gouttes n’arriveront pas à rester au contact et vont glisser sur la surface.

Le shrilk, une solution bio-inspirée

On peut distinguer plusieurs grandes familles de réponses au défi de l’humidification des surfaces dans la nature. A chaque fois, l’objectif est de maintenir la surface sèche et propre.

Une première solution consiste à créer des micro-piliers, dont la taille est comprise entre le nano et le micromètre. On peut observer ce genre de structure sur les feuilles de lotus ou sur la peau des collemboles [2,3]. La multiplication des points de contact, et leur taille infime permet d’obtenir de très grands angles avec la goutte, et donc de créer une surface hydrophobe.

Dans le cas des ailes du papillon Morpho, ou des feuilles de capucines, on observe que cette microstructure est de plus liées à une macrostructure. La présence de crêtes permet de faire rebondir l’eau et de créer de plus petites gouttelettes, qui auront moins de chances de se lier à la surface [4].

Il existe encore d’autres réponses. Les amphibiens sécrètent une couche de lipide, non miscible avec l’eau. Lorsqu’ils sortent de l’eau, celle-ci va donc perler et glisser sur la surface. On retrouve également les plantes carnivores Nepenthe Alata, qui ont une surface ultra-répulsive. Enfin, d’autres végétaux sécrètent une poudre à la surface de leurs feuilles pour multiplier les points de contact avec les gouttes d’eau, et augmenter l’angle de contact.

Différents exemple permettant la superhydrophobie.

La suite de la démarche biomimétique consiste ensuite à mettre en adéquation les critères définis plus haut et les solutions bio-inspirées. Ici, on peut déjà éliminer les solutions par sécrétion de liquide ou de poudre : on veut un produit qui dure, et si possible sans entretien. Par élimination, il reste donc les solutions de nano-structure. Celles-ci présentent de plus l’avantage d’être liées à une physique de petite échelle. Il n’y aura donc pas d’interaction avec la physique macroscopique de la préhension du téléphone. Enfin, une telle solution présente l’avantage non négligeable d’être auto-nettoyante! 

Afin de répondre au critère de légèreté, il sera probablement indiqué de choisir un matériau polymère, dont la densité est généralement assez faible. De plus, la mise en forme de cette famille de matériau est relativement simple. Idéalement, ce polymère sera bio-sourcé ou recyclé. Cela permet d’avoir un matériau à l’origine respectueuse de l’environnement, et disponible sans crainte de raréfaction de la ressource. Le recours à une surface auto-nettoyante est de plus un bon avantage qui permet d’éviter l’usage d’autres produits de nettoyage.

Bien sûr, il conviendrait dans une étude plus approfondie de quantifier les critères du cahier des charges ainsi que la capacité des différentes solutions à y répondre, pour définir au mieux cette nouvelle coque de portable. Cependant, on voit très bien que pour un problème complexe pour l’humain depuis l’essor de l’électronique, la nature est source de multiples inspirations pour se protéger de l’eau !

Sources :

Les références citées sont toutes issues du web et ont été consultés le 10/11/2020

  1. https://tpesuperhydrophobiemgs.wordpress.com/les-bases-du-mouillage/
  2. https://asknature.org/strategy/surface-allows-self-cleaning/
  3. https://asknature.org/strategy/overhang-structures-repel-various-liquids/
  4. https://www.biomimesis.fr/biomimetisme-le-materiau-le-plus-etanche-jamais-realise/

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