Le potentiel de la filière bois-construction en France

Le secteur de la construction représente une part conséquente des émissions de CO2 de l’industrie française. En cause, les émissions de CO2 issues de la production de ciment. Si le béton qui est fabriqué avec du ciment représente un grande part des constructions aujourd’hui, des alternatives existent, le bois en est une. Dans cette fiche, nous évaluerons le potentiel de la filière-bois construction en France.

Comme matériau de construction, le bois présente plusieurs avantages :

  • Un matériau renouvelable : le temps de renouvellement de cette ressource est bien plus long pour l’eau et le sable, essentiels pour la fabrication de ciment et béton
  • Une empreinte carbone très faible : grâce au triple phénomène de la séquestration du CO2 par la photosynthèse, le stockage du carbone dans le bois et la substitution (construire en bois permet d’éviter le recours massif au béton, très carboné)
  • Une construction plus propre et rapide : avec les structures en bois préfabriquées, plus besoin de couler le béton sur place!

Qui plus est, la filière française du bois présente un fort potentiel :

  • Une ressource forestière abondante et gérée durablement
  • Un gisement  d’emplois non délocalisables
  • Une balance commerciale aujourd’hui déficitaire
  • Une filière “en cycle fermé”, avec très peu de déchets, alignée avec les principes d’économie circulaire

Prospective sur le développement de la filière construction-bois en France

Comment estimer les impacts d’un développement  futur de la filière  bois-construction :
Scénarios de contexte envisagés

Nous avons retenu ici les quatre scénarios suivants, basés sur la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC), mais il existe d’autres approches prospectives fondées sur d’autres scénarios [1].

L’étude prospective s’appuie sur quatre scénarios (tendanciel, volontariste, alternatif et objectif neutralité carbone aux horizons 2020-2035 et à titre indicatif à 2050. Ces scénarios se réfèrent eux même à la stratégie nationale bas carbone SNBC élaborée par les pouvoirs publics afin de conduire la politique d’atténuation du changement climatique.

A travers ces quatre scénarios, il est possible d’évaluer les conséquences à la fois sur le bâti et sur la consommation de bois dans la construction et la rénovation, de différentes hypothèses d’évolution du marché du bâtiment et des parts de marché du bois dans la construction. Chaque scénario comporte également un volet spécifique sur les pratiques de sylviculture en France, plus ou moins dynamiques.

Le scénario volontariste s’entend par rapport à l’objectif de réduction d’émissions carbone (c’est l’objectif de la SNBC) . 

Le scénario objectif neutralité carbone est un scénario visant la neutralité carbone en 2050. La progression des parts de marché ne vise pas à être réaliste au regard de la situation actuelle mais vise à montrer ce qui devrait être fait afin d’atteindre la neutralité carbone.

Estimer le marché de la construction et les parts de marché du bois

Projections sur le secteur de la construction

Pour estimer les tendances futures du marché de la construction, on peut s’appuyer sur les projections de surface neuves et rénovées fournies par les scénarios de la SNBC, pour le secteur résidentiel et le secteur non résidentiel (agricole, industriel et tertiaire).

Les projections indiquent globalement une diminution des surfaces mises en chantier de 2020 à 2050 (voir Figure 1). Cette tendance résulte notamment de :

  • la baisse de la demande en logements neufs du fait du ralentissement de la croissance démographique et de la création de nouveaux ménages.
  • la diminution des surfaces tertiaires avec une diminution de l’emploi dans ce secteur (sauf dans le scénario Alternatif)
  • la diminution des surfaces bâties agricoles, fortement corrélées à la taille des cheptels, en particulier dans la perspective d’une politique de réduction de l’élevage en France (sauf dans le scénario Tendanciel)
Figure 1 – Comparaison des surfaces totales mise en chantier dans les trois scénarios pour des bâtiments neufs

En ce qui concerne les surfaces rénovées (voir Figure 2), les différentes projections se distinguent selon la dureté et les dates de mise en application des nouvelles normes énergétiques sur les bâtiments.

Figure 2 – Comparaison des surfaces totales mise en chantier dans les trois scénarios pour des bâtiments rénovés
Projections de la demande en bois pour la construction

La demande de bois (en volume) peut alors être estimée en fonction des parts de marchés pris par les différentes technologies et familles de bois, dans chaque scénario. Cette estimation nécessite d’évaluer, pour chaque catégorie de produit, les potentiels facteurs de frein et d’accélération des innovations. Par exemple, pour la catégorie des aménagements intérieurs, d’après les experts du BIPE et du FCBA :

Facteurs d’accélérationFacteurs de frein
Tendances architecturales actuelles
Valeur environnementale
Concurrence internationale
Demande/image/effet de mode
Offre promotion / circuits de distribution
Formations et métiers associés
Normes en vigueur
Structuration de la filière
Compétitivité prix

Ces analyses permettent d’obtenir finalement des projections des volumes de bois consommés, par grandes familles de produits ou encore par type d’usage (neuf/rénovation).

Évolution de la demande finale et adéquation avec l’offre

L’agrégation de l’ensemble des résultats permet d’estimer la demande totale de volume de bois et de la confronter à la quantité rendue disponible par la filière forestière française pour chaque scénario sylvicole et chaque famille de produit. Il apparaît que l’enjeu en termes de disponibilité de la ressource porte essentiellement sur le bois d’œuvre résineux[1]

Concernant la compétitivité des produits et industries de bois construction sur le marché européen, la France s’illustre par ses scieries, qui se sont renforcées au cours des dernières années par une hausse de la qualité et une concentration de l’industrie. Elle a également su développer son offre sur les produits techniques collés. Toutefois, la taille modeste des entreprises françaises limite les économies d’échelle, tandis que les coûts élevés du travail (coûts de personnel) pèsent sur des taux de marge déjà faibles, freinant les capacités d’investissement et la compétitivité internationale.                                        

Estimer les impacts

Impact carbone

Pour mesurer l’impact carbone des trois scénarios, il faut garder en tête que le mécanisme naturel de la photosynthèse permet la séquestration du dioxyde de carbone en forêt. Le carbone est ensuite stocké dans la biomasse et les sols des forêts ce qui permet de maintenir le carbone en dehors de l’atmosphère. La méthode de calcul de l’étude prospective est celle proposée par l’IPCC en 2006. Il ressort que le stockage carbone est directement corrélé au volume de produit considéré pour chaque scénario, à noter que ce sont les charpentes bois qui amènent la plus grande augmentation du stock de carbone de l’étude avec variance de 11 % pour ce paramètre. 

Une étude de sensibilité avec coefficients de substitution, fondée sur les méthodologies dérivées des projets FORMIT et GESFOR montre qu’à l’horizon 2050, le scénario objectif neutralité carbone permettrait (en comparaison avec le scénario de base tendanciel) d’éviter jusqu’à 98 Mt de CO2 (conservant toutefois une variance non négligeable de de près de 70% entre les différents scénarios). Cette étude met une nouvelle fois en valeur l’importance de la charpente bois dans la quantité de Mt de CO2 économisées, puisque c’est ce paramètre qui est le plus responsable de cette importante variance.

De ce fait, si l’on suit l’extrapolation proposée par l’étude, on peut aboutir aux résultats suivants correspondant à la somme du stockage et de la substitution du carbone pour 2050, toujours en conservant le scénario tendanciel comme référence.

ScénarioImpact carbone
Volontariste93 Mt CO2
Alternatif46 Mt CO2
Neutralité carbone168 Mt CO2
Impact sur l’emploi

Si l’on s’appuie sur le chiffre donné par l’INSEE-CLAP-DADS CEREQ en 2014 dans une étude commandée par l’interprofession FIBois Auvergne Rhône-Alpes, on aboutit à la conclusion que 1000m3 de bois local, de bois d’œuvre utilisé dans la construction, génère 21 emplois temps-plein non délocalisables pendant 1 an (dans toute la filière : bûcheron, charpentier, …). En faisant une simple règle de trois en s’appuyant de nouveau sur les données avancées par l’étude prospective, on aboutirait pour chacun des scénarii à ces chiffres en 2050 :

ScénarioNombre d’emplois créés
Tendanciel86 000
Volontariste149 000
Alternatif124 000
Neutralité carbone211 000

Sources :

  1. Étude prospective du bois dans la construction, 2019 – BIPE, FCBA, FFSM : 2 Scénarios (Extensification et intensification)

[1]Bois d’oeuvre (par opposition au bois de chauffage) : bois employés par les différents métiers, tels que la menuiserie, l’ébénisterie, le charronnage, la tonnellerie, etc. et pouvant servir aux constructions civiles et navales
Résineux (par opposition aux feuillus) : famille de bois des conifères La plupart des conifères possèdent des cellules sécrétrices de résines, dans leurs écorces, leurs feuilles ou leur bois, d’où l’appellation courante de résineux. Parmi eux :Douglas, Epicéa commun, Pin maritime, Pin sylvestre, Sapin pectiné.          

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