Étude d’une cimenterie : réduire ses émissions en s’appuyant sur son environnement

L’industrie du ciment est considérée comme la deuxième industrie la plus émettrice de CO2. Ces émissions sont dues à trois facteurs :

  1. La réaction chimique de décarbonatation du calcaire permettant d’obtenir de ciment qui produit du CO2 (CaCO3 → CaO +CO2). Ceci représente 62% des émissions.
  2. La décarbonatation se fait par combustion avec des températures s’élevant à 1500°C. Cette combustion utilise du combustible fossile (24% des émissions).
  3. L’alimentation en électricité, qui représente 14% des émissions.

Dans cette fiche, nous verrons comment l’optimisation des interactions des cimenteries avec leur environnement (valorisation des déchets, de la chaleur ou du CO2 émis lors du procédé) peuvent réduire l’impact environnemental de la production de ciment. Nous verrons également le potentiel de certaines technologies non matures aujourd’hui comme le captage et stockage du CO2 ou même la captation accélérée de CO2 par carbonatation par le ciment.

Valorisation des déchets

Le processus de fabrication des ciments permet de valoriser les déchets de deux façons.

La valorisation matière, le remplacement partiel des constituants de base (calcaire et argile)

Les cimentiers utilisent depuis longtemps des sous-produits (ou déchets) en substitution des matières premières sans modifier la qualité du ciment. Cette approche permet d’économiser des centaines des milliers de tonnes de matière première.

Par ailleurs, le transfert de matières premières demande trop de dépenses de transport et son impact carbone est important, c’est pourquoi il est préférable d’implémenter les usines à l’approche des sources de matières premières, les mines, tel que c’est le cas pour plusieurs pays.

La valorisation énergétique, le remplacement des combustibles fossiles (coke de pétrole, charbon, fioul lourd…)

L’industrie du ciment permet de détruire des déchets et notamment d’assurer la destruction sécurisée de déchets spécifiques comme les farines animales et les terres polluées (en détruisant les molécules organiques). Ainsi, les combustibles fossiles sont remplacés par des déchets pour la combustion, ce qui permet de réduire les émissions de CO2.Un autre levier actionnable pour réduire l’impact carbone de la combustion est la gazéification des déchets : cela consiste à récupérer du méthane à partir des déchets de la production, ce qui permet de réduire la consommation d’énergie et de valoriser les déchets. Des projets sont en cours mais la rentabilité économique de ce type de procédé est incertaine.

Valorisation de la chaleur

Il est possible de valoriser la chaleur fatale[1] du préchauffage et du refroidisseur de clinker : l’air sort de ce circuit à plus de 200°C, avec une température plus ou moins élevée selon l’efficacité du procédé de la cimenterie. 

Cette chaleur peut ensuite être utilisé pour produire de l’électricité, via un cycle vapeur de Rankine ou un cycle de Rankine organique, lorsque la température des fumées est plus faible. Cette récupération de chaleur peut couvrir 10 à 50% du besoin en électricité du procédé.

La chaleur des cimenteries peut également être utilisée pour désaliniser l’eau de mer voire pour d’autres industries nécessitant de la chaleur qui seraient situés proche de la cimenterie. Un exemple intéressant est la réutilisation de cette chaleur pour alimenter un électrolyseur qui produit de l’hydrogène à partir d’électricité à haute température. Ce projet est mené par l’entreprise Vicat à Saint-Égrève et semble prometteur, car il rassemblerait dans la même usine la production de ciment et la valorisation de la chaleur pour produire de l’hydrogène.

Le captage, l’utilisation et le stockage du carbone, une solution miracle ?

Malgré l’amélioration des procédés de fabrication, de l’efficience énergétique et malgré la sobriété dans les usages du ciment, il sera difficile d’atteindre le « zéro émission » sans captage du CO2 (par un procédé d’oxycombustion), suivi d’une utilisation dans d’autres procédés industriels ou d’un stockage sous terre (CCUS).Cette technologie n’est pas encore mature mais de nombreux scénarios de décarbonation reposent sur elle pour l’industrie lourde, la production de chaleur et la production d’électricité. Il faudra donc la développer et la rendre économiquement compétitive. Pour cela, il faut privilégier la mise en commun du carbone stocké en développant le stockage sur plusieurs usines proches entre elle, pour ensuite réduire l’investissement, notamment en infrastructure de transport de CO2 jusqu’au lieu de stockage.

Du béton comme puit de carbone

Une nouvelle filière de cimenterie apparaît avec le recyclage du béton et sa carbonatation rapide. Le projet FastCarb propose ainsi une cimenterie utilisant comme entrant des déchets de béton et du dioxyde de carbone. Le ciment ainsi formé n’est plus un fort émetteur de CO2, mais à l’inverse un stockage pour le CO2 qui aurait été capté ailleurs, ou pour du CO2 d’origine fossile. Il permet de plus de recycler le béton en fin de vie et largement disponible. 

Ce procédé est le procédé inverse de celui à l’œuvre dans la fabrication de ciment classique. Le ciment classique est basé sur la décarbonatation (qui émet du CO2cf. Étude d’une cimenterie : optimiser les procédés de fabrication ou baisser l’usage du ciment ?) tandis que celui proposé par FastCarb utilise la carbonatation pour absorber du CO2 en accéléré. Ce processus naturellement très lent peut en effet être largement accéléré en utilisant du CO2 à forte concentration et sous une pression un peu supérieure à la normale. L’intérêt de la carbonatation du béton recyclé est également de former du béton moins poreux et absorbant moins l’humidité, et présentant ainsi de meilleures propriétés d’ingénierie. Le projet est encore au stade de développement, la preuve de concept a été effectuée, la prochaine étape est une démonstration préindustrielle. Le projet est accompagné par de nombreuses instances publiques comme privées, dont Lafarge France, l’école des Ponts ParisTech et la FFB (Fédération Française du Bâtiment).

[1] Chaleur générée par un procédé qui n’en constitue pas la finalité première, et qui n’est pas récupérée.

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