Un des enjeux majeurs pour les villes est de favoriser un cadre de vie agréable aux habitants (qualité de l’air, fluidité des transports, sécurité…) tout en assurant une large gamme de services (commerce de proximité, services de livraison, zones commerciales…).
Par son importance économique, le poids de ses émissions de gaz à effet de serre ou de polluants de l’air, la logistique est un secteur clé de la transition écologique et solidaire. Si du point de vue de l’industriel les marges de manœuvres de réduction de gaz à effet de serre et d’amélioration du cadre de vie des habitants sont nombreuses (optimisation des distances parcourues au cours des livraisons, choix du type de véhicule, emplacement des points de vente …), nous nous intéressons ici aux moyens d’action du consommateur.
Introduction
Bien que ces moyens d’action soient moins évidents, les marges de progression sont toutes aussi importantes, car les consommateurs peuvent par leurs choix influencer la politique de décision de la ville…. Mais, s’ils ont souvent le choix entre plusieurs services, plusieurs biens, ils ne sont pas toujours bien renseignés sur l’impact plus ou moins néfaste de chacun de ses choix.
Or, aujourd’hui, pour faire parvenir les produits aux consommateurs, de nombreux canaux de distribution existent. Les consommateurs peuvent notamment décider d’effectuer leurs courses en ligne et donc de se faire livrer ou d’aller faire leurs courses par leurs propres moyens. D’un point de vue environnemental, laquelle de ces deux solutions est-il préférable de privilégier ?
Cette fiche vise à fournir des ordres de grandeur des émissions qui seraient liées à un scénario où tout le monde ferait ses courses soi-même comparativement à un autre où tout le monde se les ferait livrer à domicile.
Scénario 1 (référence)
Nous considérons ici que tous les individus qui aujourd’hui n’effectuent pas leurs courses à pied (5/6ème de la population) décident de se faire livrer leurs courses. Nous nous concentrons uniquement sur les émissions de gaz à effet de serre liées au déplacement des véhicules et nous négligeons les émissions liées aux recherches numériques nécessaires à l’acquisition de ses courses : en effet les infrastructures nécessaires et les coûts en question existent déjà largement pour le drive ou l’achat en ligne et n’augmenteraient pas significativement dans le cas des livraisons.
Scénario 2
Dans le second scénario, toutes ces personnes font leurs courses avec leur voiture (nous considérerons donc que chaque foyer a accès à une voiture).
Pour obtenir nos résultats, nous nous sommes appuyés sur des chiffres moyens nous renseignant sur plusieurs éléments comme le nombre de kilomètres moyen parcouru pour faire ses courses, le nombre d’individus par foyer…
| Critère | Données |
| Distance moyenne séparant un foyer d’une grande surface (km) [1] | 5 |
| Nombre d’individus par ménage [2] | 2,2 |
| Nb hab en France (en millions) [3] | 70 |
| Fréquence moyenne d’achats [4] | 1 sem. |
| Part des ménages effectuant leurs courses à pied [5] | 17% |
Si on considère maintenant que 100% des livraisons se font à l’aide d’une camionnette utilitaire (par ex : Volkswagen Caddy Van Essence) émettant 134gCO2/km [6] qui peut contenir les courses pour 10 foyers et que les individus font leurs courses avec des véhicules essences émettant 116gCO2/km [7] nous obtenons les ordres de grandeur d’émissions en tonnes de CO2 par an suivants :
- Scénario 1 : 370 000
- Scénario 2 : 1 600 000
NB : dans le scénario “aller faire ses courses” les individus parcourent 10 km en voiture pour aller faire leurs courses et rentrer chez eux tandis que dans le scénario “se faire livrer”, les véhicules de livraison parcourent 20 km (les 10 kilomètres en plus correspondent à la distance parcourue pour aller d’un foyer à l’autre).
Analyse des résultats
Ce modèle très simpliste et minimaliste montre que même si la consommation et la distance parcourue par les véhicules de livraison sont supérieures aux véhicules particuliers, le scénario “se faire livrer” permet de considérablement diminuer les émissions de CO2 liées aux déplacements (ici d’un facteur 4).
Cette diminution s’explique par la mutualisation des déplacements et donc par la diminution du nombre total de kilomètres parcourus en voiture pour aller faire ses courses.
Ainsi, même si ces résultats sont incomplets car ils ne prennent pas en compte les émissions liés à la mise en place d’un système de livraison nationalisé, ils montrent les gains environnementaux permis par une rationalisation des trajets selon une logique de mise en commun contre une habitude de déplacements individuels et privés.
Conclusion
Au-delà de ces gains environnementaux, les livraisons permettent de faire gagner du temps aux consommateurs et peuvent permettre de désengorger les villes en diminuant la quantité de véhicules sur les routes.
Selon l’INSEE [5], en 2010 les Français passaient en moyenne 30 minutes par jour à faire leurs courses. Ainsi, un des arguments pouvant être mis en avant par des collectivités ou des enseignes souhaitant mettre en place un système de livraison est qu’il permettra de faire gagner presque 3h30 par semaine aux consommateurs.
Remarquons également que l’ensemble de ces avantages ne prend cependant pas en compte l’éventualité d’un effet rebond dû à une augmentation de la quantité des trajets effectués par les individus qui n’auraient plus à passer 3h30 par semaine à faire des courses. Pour davantage de détails concernant l’effet rebond en général, consulter [8].
Sources :
- Quelle distance devez-vous aujourd’hui parcourir, depuis votre domicile, pour accéder aux grandes surfaces alimentaires les plus proches ?
https://fr.statista.com/statistiques/946427/grandes-surfaces-alimentaires-distance-france/ - Taille des ménages en France – INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/2381486
- Bilan démographique français 2019 – INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/1892086?sommaire=1912926
- Hypothèse posée pour le calcul
- Le temps des courses depuis 1974 – INSEE https://www.insee.fr/fr/statistiques/1283695
- Emissions de CO2 des véhicules utilitaires – Ooreka (lien Web)
- Evolution du taux moyen d’émissions de CO2 en France – ADEME lien Web
- Effet rebond – la Fabrique écologique lien Web