Les régimes alimentaires traditionnels soulèvent aujourd’hui des questions quant à l’avenir climatique et démographique mais doivent aussi faire face à une volonté grandissante de revenir à une consommation plus raisonnée, saine, moins transformée. En France, les traditions gastronomiques donnant une grande place à la viande, notamment bovine et ovine, vont à l’encontre de la nécessité de réduire nos émissions de gaz à effet de serre, tels que le méthane. Ainsi, une fraction grandissante de la population remet en cause le régime alimentaire traditionnel, en réaction à l’urgence climatique et à la multiplication des additifs alimentaires.
Consommation individuelle : a-t-on vraiment un impact ?
L’alimentation n’est pas la plus grosse partie de nos émissions carbone (les déplacements restent en tête), mais on peut réduire cette part en modifiant nos habitudes alimentaires. Ces habitudes peuvent être facilement modifiées afin de minimiser notre impact sur le climat et la biodiversité. Comme suggéré par la vidéo “Why beef is the worst food for the climate”, réduire sa consommation de viande bovine est simple et efficace.
L’élevage de vaches représente 10 % des émissions dans le monde (20 % en France). Les élevages de poulet et de cochon produisent moins d’émission en soit, mais ces animaux sont nourris la plupart du temps avec du tourteau de soja, importé d’Amérique du Sud. Réduire sa consommation de viande réduit sensiblement la part des émissions liées à l’alimentation (35 % d’émissions en moins sur l’alimentation si on passe de 100 g à 50 g de viande par jour).
Mode d’alimentation durable : le régime végétarien ou le label bio, des solutions ?
Réduire drastiquement notre consommation de viande semble primordial pour l’environnement mais aussi pour notre santé (effet nocif de certaines viandes comme la charcuterie). Nous ne pourrons atteindre les objectifs de neutralité carbone en gardant un même nombre d’animaux (en particulier les ruminants qui émettent beaucoup de méthane). Toutefois il est important de souligner une incohérence entre le régime végétarien strict pour tout le monde et le maintien de la biodiversité. En effet, les animaux sont élevés sur des prairies jamais labourées, qui sont d’une très grande richesse en termes de biodiversité (prairie permanente). Arrêter totalement l’élevage de ces animaux nous ferait perdre ces écosystèmes précieux.
Il est ainsi nécessaire de trouver un équilibre pour la biodiversité, car l’élevage permet également d’enrichir les sols grâce aux pâturages et au fumier produit. De plus, les animaux fournissent de l’engrais, nécessaire à la culture biologique. Il paraît donc pertinent d’envisager une consommation de viande certes modérée dans le futur, mais toujours existante, car l’élevage est déterminant pour la préservation de notre environnement. Il apparaît donc qu’une réduction globale du niveau de consommation de viande est à prévoir, en veillant à en limiter l’impact sur la biodiversité en maîtrisant ce rétrécissement des élevages.
L’agriculture biologique peut-elle quant à elle s’imposer comme le mode de production de demain ? L’exploitation biologique des sols permet sans conteste de moins polluer ces derniers et ainsi d’envisager en première approche une voie à développer massivement dans le futur. Cependant, il est important de distinguer deux enjeux souvent confondus dans les discours : celui d’un mode d’alimentation durable et celui de la sécurité de l’approvisionnement. En effet le passage, par exemple, à une agriculture biologique massive à rendements plus faibles (de l’ordre de 15 % au moins) entraînerait ainsi une baisse de l’offre et donc une hausse des prix, fragilisant davantage une sécurité d’approvisionnement déjà contrastée selon les populations. Le développement de cette voie doit donc se faire de manière maîtrisée et optimale pour limiter cet effet rebond.
On peut aussi se poser la question de la fiabilité du label bio, à une heure où une multitude de labels apparaissent sur les emballages et brouillent l’information pour le consommateur. Le label bio est le plus contrôlé et présente un cahier des charges clair et complet. Mais cela reste une pratique industrielle, et certains pesticides sont tout de même autorisés.
Des applications comme Yuka peuvent avoir une influence sur les producteurs. Cette application informe le consommateur sur les adjuvants présents dans le produit. Elle a créé dans certaines compagnies des réunions de crise, car les consommateurs ne voulaient plus acheter des produits contenant des substances que Yuka avait jugées mauvaises pour la santé.
Scenarii de régimes alimentaires ne détériorant pas l’état de la planète conduits par des centres de recherches français
Le scénario Afterres proposé par Solagro dessine des régimes alimentaires et des pratiques d’agriculture pour rendre viable sur le long terme la consommation. Ils préconisent une réduction drastique de viande et de produits laitiers (environ 70 % de viande en moins).
Ce scénario n’est pas nécessairement viable car il est dur à mettre en place à cause du trop grand changement d’habitudes requis.
TYFA défini par l’Institut du Développement Durable et des Relations Internationales (IDDRI) propose un scénario au niveau Européen. Ils se concentrent surtout sur l’agriculture, et réduisent les engrais en les remplaçant par certaines plantes qui transfèrent l’azote de l’air vers le sol. Ce scénario est optimiste sur l’efficacité de ces plantes.
Si la réalisation d’une étude systémique à l’échelle internationale semble compromise du fait des différences culturelles et d’habitudes trop grandes pour former un scénario cohérent, un point commun semble apparaître dans l’ensemble de ces études : sans un changement de nos régimes alimentaires, il ne sera impossible de rester dans les limites écologiques de la planète.
Manger local ?
Manger local est une façon certaine de limiter l’impact carbone de notre alimentation, car elle réduit les émissions liées au transport. Il existe déjà des plans alimentaires territoriaux, mis en place par exemple dans les cantines scolaires. Le fait de manger local sécurise également un marché pour les agriculteurs locaux, ce qui aide leur développement. En revanche, l’impact reste minime car le transport ne représente que 10 % des émissions carbone des produits de l’agriculture.
Comment sensibiliser la population ?
Les deux actions suivantes peuvent participer à sensibiliser la population aux enjeux écologiques liés à notre alimentation :
Taxer les produits dont il faudrait réduire la consommation. Ce système peut marcher, mais n’est pas simple à mettre en place, et rencontrera de nombreuses contestations.
L’éducation nutritionnelle. Les problèmes de nutrition sont présents dans de nombreux pays. Le sucre est trop présent dans beaucoup de régimes alimentaires, et des campagnes de sensibilisation sont mises en place. Mais on ne voit aujourd’hui aucune campagne de sensibilisation à l’impact environnemental de notre alimentation. Des supermarchés russes vendent des aliments de très basse qualité en Allemagne et ont un très grand succès grâce à leurs coûts extrêmement faibles. Cela montre qu’un travail important de sensibilisation reste à faire.
Une alimentation de demain par la science ?
Les OGM sont contestés mais pourraient doubler les rendements, afin de permettre de nourrir dans sa totalité une population grandissante.
Des recherches sont faites sur des vaccins ou des bactéries qui permettraient aux vaches d’émettre moins de méthane.
Les insectes sont des sources de protéines miracles. Il y a une grande variété d’insectes, dont certains utilisent des ressources dont nous n’avons pas d’utilité. Il y a par contre un obstacle culturel majeur, mais des startups travaillent à la modification de ces insectes pour rendre leur consommation acceptable par la population.
L’alimentation synthétique est un champ qui progresse actuellement. Il est déjà possible de créer des protéines artificielles, mais la recherche est encore à ses débuts et les produits existants sont loin d’être rentables.
Sources :
- Assocation Solagro scénario (2016), Afterres2050.
- Poux, X. et Aubert, P.M. (2018). Une Europe agroécologique en 2050 : une agriculture multifonctionelle pour une alimentation saine.
- Vieux, F., Privet, L., Soler, L.G., Irz, X., Ferrari, M., Sette, S., Raulio, S., Tapanainen, H., Hoffmann, R., Surry, Y., Pulkkinen, H., Darmon, N. (2019). More sustainable European diets based on self-selection do not require exclusion of entire categories of food. Journal of Cleaner Production.
- Bellora C. et Bureau, J.C. (2016). How green is organic ? The indirect environmental effects of making EU agriculture greener. Diaporama d’une conférence pour le Global Trade Analysis Projet (GTAP), Washington.
- Vox (2020), “Why beef is the worst food for the climate”. https://www.vox.com/videos/2020/5/14/21257118/food-avoid-climate-change-emissions-beef.
- Knapp S. et van der Heijden, Marcel. G. A. (2018). A global meta-analysis of yield stability in organic and conservation agriculture. Nature Communications.