La capture, l’utilisation, et le stockage du carbone (CCUS) a un intérêt lorsque les émissions de CO2 sont concentrées géographiquement. C’est souvent le cas dans l’industrie et la production d’électricité. La production d’électricité, de ciment, d’acier, et d’hydrogène, est responsable de près de 60% des émissions mondiales de CO2 (AIE, 2017). Nous détaillons ici, pour ces différents secteurs, pourquoi le CCUS paraît nécessaire pour réduire fortement les émissions de CO2.
Le rôle du CCUS dans la production de ciment
La production de ciment est, avec celle de l’acier, une des filières industrielles où le développement de technologies de captage carbone présente le plus d’intérêt : d’abord par sa part importante d’émissions (autour de 2 Gt de CO2 par an), et ensuite par les particularités techniques de la tâche.
En effet, comme affirmé dans (Hills et al., 2016), la production de ciment se distingue d’autres procédés industriels en ce que la plupart de ses émissions, environ 64%, viennent de la chimie du procédé lui-même, principalement de la transformation du carbonate de calcium en chaux vive et CO2 dans des fours à très hautes températures. Ceci limite l’utilité de l’adoption de sources alternatives d’énergie qui permettrait de diminuer les émissions dans d’autres industries, et ce dans un secteur qui n’a pas tendance à décroître dans le moyen terme, poussé par l’urbanisation et les projets d’infrastructure dans les pays en voie de développement.
Face à cette situation, les deux principaux leviers d’action pour la réduction d’émissions dans le secteur sont d’augmenter l’efficacité matérielle du ciment (i.e., réduire sa part de clinker, son ingrédient principal produit à partir de la chaux vive) et l’utilisation de technologies de CCUS, comme l’indique le rapport de l’AIE (Agence Internationale de l’Energie) à ce sujet. Le développement de ces dernières est en retard par rapport au CCUS pour la génération d’énergie, mais des innovations et déploiements importants ont eu lieu ces dernières années (principalement dans le captage par absorption chimique post-combustion), et leur avancement et commercialisation pendant la prochaine décennie est non seulement utile, mais nécessaire pour atteindre le Scénario de Développement Soutenable de l’AIE.
La nécessité des technologies de CCUS dans la production d’énergie
Les combustibles fossiles représentent 80% de la demande énergétique primaire dans le monde et le système énergétique est la source d’environ 2/3 des émissions mondiales de CO2. Si cette tendance actuelle se poursuit, les objectifs climatiques (limiter la hausse de la température terrestre à 2 degrés d’ici 2050) ne seront jamais atteints. De nombreuses pistes se développent et se déploient : l’efficacité énergétique, la limitation du carbone en changeant de combustible, les énergies renouvelables. Alors où réside l’intérêt du CCUS dans tout ce contexte ? D’abord, les pays étant encore largement tributaires des systèmes de production d’énergie traditionnels avec une augmentation de la demande, dictée par la croissance de la population et le développement industriel, les technologies alternatives ne sont pas encore disponibles à l’échelle voulue, les technologies actuelles devraient donc encore être utilisées à court et à moyen termes. Selon l’AIE, les énergies fossiles représenteront encore au mieux 60% de la fourniture mondiale d’énergie en 2040. Ensuite, de nombreux pays en développement disposent de ressources importantes de combustibles fossiles inexploités qu’ils comptent utiliser pour développer leur économie. Les interdire pourrait engendrer des tensions inutiles, alors que les pays développés ont déjà bâti leur économie sur les systèmes traditionnels. En conclusion, les CCUS ont le potentiel de satisfaire la demande actuelle tout en donnant le temps aux énergies et techniques alternatives de se déployer.
D’autre part, l’adjonction des technologies de captage de CO2 étant plus facile au niveau des entités de production d’énergie que celles des industries émettrices de CO2, sidérurgique, chimique et pétrochimique, puisque cet ajout consiste en une juxtaposition aux systèmes existants des dispositifs de captage, alors que ceci s’avère plus complexe dans le cas industriel où le captage du CO2 sollicite une reconfiguration du procédé.
Cela confère donc une plus grande facilité au déploiement du CCUS au niveau énergétique. Ceci dit, l’augmentation du recours aux techniques de CSS sera essentielle, ce qui devrait permettre une réduction annuelle de 16 % d’ici à 2050. Cette affirmation s’appuie sur le cinquième Rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat qui estime que limiter les émissions du secteur énergétique sans les techniques de CSS augmenterait de 138 % les coûts relatifs à l’atténuation des effets liés au changement climatique.
Le rôle du CCUS dans la production d’acier
L’industrie sidérurgique est un des principaux émetteurs industriels de CO2. Elle émet environ 3 Gt de CO2 par an. 40% de ses émissions sont liées à la chimie du procédé de fabrication. L’impact négatif de ces émissions sur le changement climatique et sur la santé du publique ne peut pas être négligé. La réduction des émissions carbone devient donc une des problématiques prioritaires pour l’industrie sidérurgique. Pour atteindre l’objectif de la neutralité carbone, les producteurs ont commencé à réagir et ils ont proposé principalement 2 pistes : par innovation sur le procédé de fabrication, et par le développement de CCUS.
Les producteurs cherchent à adapter leur procédé de fabrication afin de rendre possible l’utilisation de sources alternatives d’énergie comme l’hydrogène à la place de gaz naturel. Il reste néanmoins les 40% de CO2 produits lors des réactions chimiques du procédé. Les technologies de CCUS sont envisagées afin de capturer et valoriser ces émissions de CO2.
Compte tenu de l’urgence sur la décarbonation dans la filière sidérurgique, les producteurs d’acier, y compris le plus grand producteur d’acier en Europe ArcelorMittal, ont décidé de lancer plusieurs projets en appliquant les technologies de CCUS comme le projet LIS. Il est estimé que ces projets réduiraient d’environ 20 % les émissions de CO2 du secteur à l’horizon 2050.
Sources :
- T. Hills et al., Carbon Capture in the Cement Industry : Technologies, Progress, and Retrofitting, on Environ. Sci. Technol. 2016, 50, 1, 368–377, https://pubs.acs.org/doi/10.1021/acs.est.5b03508
- Agence Internationale de l’Energie, Technology Roadmap – Low-Carbon Transition in the Cement Industry, Avril 2018, résumé dans https://www.iea.org/reports/cement
- Chronique d’ONU, Le rôle des combustibles fossiles dans un contexte énergétique, Scott Foster et David Elzinga, https://www.un.org/fr/chronicle/article/le-role-des-combustibles-fossiles-dans-un-systeme-energetique
- MI enjeux de la filière sidérurgique, Sur les enjeux de la filière sidérurgique dans la France du XXIe siècle : opportunité de croissance et de développement – Rapport, Juin 2019, résumé dans : https://www.senat.fr/rap/r18-649-1/r18-649-1_mono.html
- ArcelorMittal, Notre responsabilité CO2, mise à jour le 25 juin 2020, https://france.arcelormittal.com/developpement-durable/co2.aspx